Parler fort n'est pas crier - écrit épistolaire

Publié le par Bertrand Tremblay

2014-08-11

Lettre à mon amie Nice

Objet : Parler fort n’est pas crier

Bonjour chère amie,

Depuis quelque temps, jamais semaine ne passe sans qu’il se produise un incident où je suis fortement impliqué. La semaine dernière, par exemple, j’ai vécu avec « un je ne savais quoi qui se produirait à mon sujet » suite à un incident relationnel, dont je ne me sentais pas responsable, lequel avait pris des proportions démesurées et incompréhensibles à mes yeux. Il en a fallu de peu pour que je sois « châtié » et expulsé du groupe de joueurs, dont je faisais partie. Je m'étais senti incompris.

Mais, que s’est-il passé, me demanderas-tu, impatiente? C’est compliqué à expliquer, chère amie. L’incident, dont je vais t’entretenir, découla de certains facteurs de même que de leur mûrissement. D’abord, je mettrai tout en perspective, ce jusqu’au point culminant, pour que tu comprennes. Corrélativement, je te donnerai un aperçu des actions qui auraient pu favoriser un dénouement raisonnable et humain.

Je m’étais inscrit à une formation de bridge et j’en étais à la troisième des quatre sessions saisonnières prévues au programme : cette formation était donnée le vendredi de chaque semaine par la dame Jenny. Se mêlaient à nous des joueurs expérimentés, incluant une dame Janice. Chaque séance, donnée dans un Centre communautaire, comprenait une partie théorique de trente minutes et une pratique de trois heures. À propos, la dame Jenny assurait le rôle de tutrice pour la théorie et d’administratrice pour la pratique.

La Dame Janice m’avait humilié, un vendredi, il y avait quelques mois. Assise à ma table au cours d’une partie de bridge et, me fixant du regard de façon agressive, elle avait effectué un geste disgracieux.. Puis, elle avait quitté la table sans explications. Inquiet, je m’adressai à la fin de la journée à un responsable de l’établissement, dans l’espoir d’être éclairé.

-Que s’est-il passé à propos de la dame Janice, lui demandai-je?

-Elle dit que vous avez crié après elle, répondit-il.

-Crier à propos de quoi?

-Elle ne me l’a pas dit. Mais cela l’a apparemment troublée.

-Voyons, c’est impossible, répliquai-je. Tout simplement, je lui ai expliqué pourquoi j’avais joué d’une certaine façon. Je n’ai pas crié.

Le responsable et moi, ne sachant quoi ajouter, en restâmes là. Je déduisis de cette conversation qu’il s’était produit un incident relationnel entre moi et la dame Janice.

Comme il m’arrive souvent, chère amie, j’avais possiblement élevé la voix sans que je m’en rende compte. Tu sais, comme moi, qu’en tant que malentendant, il est difficile de la contrôler. Probablement, est-ce la raison pour laquelle elle s’était sauvée sans rien dire?

Suite à ce malentendu, la dame Janice ne se présenta pas au centre durant une période d’au moins trois mois. Le responsable du centre le lui avait-il recommandé afin de me tester? Je ne le sus jamais.

Toujours est-il qu’après cette période, elle réapparut. Tout se déroula sans incident ce vendredi-là. Toutefois, je remarquai, en bon observateur, qu’elle s’assoyait loin de moi pour l’écoute de l’enseignement de la tutrice et qu’elle participait aux joutes à une table autre que la mienne. En outre, elle m’évitait du regard. Son attitude me laissait perplexe, d’autant plus que je n’arrivais pas à me rapprocher d’elle.

Or, le vendredi suivant, la dame Janice choisit une table et y attira les participants qu’elle préférait, au lieu de s’en tenir au tirage au sort, pour la numérotation d’assignation et de table. Je me doutai qu’elle manipulait les règles du jeu, possiblement pour m’éloigner d’elle. Mécontent, je m’apprêtais à partir, mais la tutrice, à qui je fis part de mon constat, me retint et me suggéra une autre table.

En effet, je me mis à table, mais mon rendement au jeu en souffrit. Par exemple, je contestai ouvertement l’expertise de la dame Jenny, à l’encontre de certaines conventions propres au bridge. De plus, je restai indifférent à elle qui, pour m’encourager, me présenta la brillante joueuse dame Lou comme modèle à suivre. Enfin, je désavouai avec vigueur cette dernière qui défendait, sans motif valable, le jeu de ma partenaire de jeu, peu expérimentée, que je proposais d’aider.

Relativement à ce désaveu, il est plausible que le ton de voix de ma réplique ait été encore trop élevé, car je remarquai, en levant la tête, que les joueurs des autres tables me dévisageaient. Quant à la dame Janice, elle me fixa des yeux avec défi. Je le pris mal et je me levai de ma chaise pour lui renvoyer le geste qu’elle m’avait fait antérieurement. Plus rien ne fonctionnait chez-moi ce jour-là : je me sentais agité et je ne réussissais pas à me concentrer.

Vraisemblablement, quelqu’un rapporta la scène immédiatement au responsable du centre. En outre, des pressions s’exercèrent pour que je sois provisoirement exclu du groupe de bridge. Pour statuer définitivement sur mon sort, j’appris de la dame Jenny qu’elle rencontrerait prochainement le responsable du centre. Une entente intervint entre eux deux.

Je réintégrais et le centre et le groupe de bridge, à la condition de bonne écoute de la leçon de bridge de la dame Jenny. Le non-respect de cette condition entraînerait automatiquement mon expulsion du centre.

C’est ainsi que se déroula, mûrit et aboutit l’incident du bridge. De petit, il avait pris des proportions exagérées, au point que je faillis être expulsé du centre et privé de toutes les activités qui s’y déroulent. J’en tirai une leçon.

À vrai dire, tout aurait pu se régler autrement que par le recours à une décision arbitraire. Depuis l’incident jusqu’à la décision du responsable du centre, l’occasion aurait pu se présenter que ses agents, la dame Janice et moi, se rencontrassent et s’expliquassent. Comme mesure concrète, j’aurais pu lui suggérer entre autres, comme cela se passe en d’autres occasions, qu’elle m’avertisse par un geste ou une mimique, une sorte d’accommodement raisonnable quoi, lorsque je parle fort.

De cette façon, aurait pu émerger par la communication la compréhension mutuelle de la cause du haussement de voix. Malheureusement, l’occasion ne s’est pas présentée, la dame Janice, ayant d’abord, quitté sans raison apparente le jeu de bridge après l’incident involontaire, ensuite déjoué toute possibilité de rapprochement tenté par moi.

Chez la gent vivant avec une surdité, le haussement de voix s’explique par la carence de l’acuité auditive, surtout si cette carence est profonde. Autant cette personne éprouve de la difficulté à entendre la voix extérieure, autant elle en éprouve pour entendre sa propre voix (intérieure), de même que le niveau. Pour bien des gens qui ne souffrent pas de surdité, hausser la voix équivaut à crier. Cet état exprime un état émotionnel, soit la colère, qui s’accompagne généralement d’une rougeur aux joues. En ce qui me concerne hausser la voix constitue plutôt une prédisposition incontrôlable, en raison d’une tare physique ... invisible.

Ces gens, sans carence auditive, sont en général peu informés des difficultés vécues par les personnes ayant une déficience auditive, entre autres, le manque de contrôle de leur ton de voix. Sûrement, cette absence d’information, voire de sensibilisation, occasionne, comme nous l’avons vu, des problèmes de communication (relationnels), dont la froideur de la dame Janice et mon inquiétude de l’incompréhension mutuelle.

Il parle fort

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